Décombres de site...

«Wayback Machine» 2003...

Récupération sur https://archive.org/ de pages de ce site capturées à partir du 19 Novembre 2003 et que j'avais complètement perdues.

C'est assez étrange de relire ce qu'on avait publié 20 ans plus tôt.

Actuel ? Obsolète ? Naïf ? Idéaliste ?

Prologue

Notes de Pétersbourg

AKAKI AKAKIEVITCH :
Votre Altesse ignore-t-elle où elle se trouve ?

POPRICHTCHINE :
Pas tout à fait ! Je pense être tombé dans les mains de l'inquisition.

Mais je méprise totalement la malice du Grand Inquisiteur.
(Un temps)
Tout est clair, je sais qu'il agit comme une machine. Un rouage.

AKAKI AKAKIEVITCH :
Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

POPRICHTCHINE :
(se redresse et parle d'une voix ferme)
J'ai eu une révélation :
(un temps)
Le Grand inquisiteur est l'instrument d'une puissance mondiale !
(un temps)
Et tous les coqs sont des ignorants.
(un temps)
Ils se lancent bêtement à la conquête de ce qu'ils ont sous leurs plumes. Sous leurs plumes ! Je le sais maintenant. Ils se querellent sans se soucier du malheur de la lune!


Extrait de la pièce de théâtre “Notes de Pétersbourg”
Texte d'Elisabeth Chabuel d'après Gogol
Spectacle produit par la Compagnie des Mangeurs d'Étoiles.

«Antigone(s)»

«
a: Hémon… sais-tu qui est cette femme ? Réponds… Regarde-moi…
Qui est cette femme que tu veux priver de lumière… cette femme que tu veux murer dans ta cavité, cette femme… Hémon? As-tu songé à sa bouche, à ses yeux, son nez, ses poumons, son ventre, ses seins murés dans la pierre… à sa peau, ses cheveux… ses yeux brûlés, corrodés par le ciment … le poids des pierres sur sa tête et le manque d'air… le froid… la peur… Hémon sa peur de mourir. Hémon as-tu songé à sa peur de mourir?
Silence
Hémon… cette femme à qui tu réserves ce sort… c'est moi Antigone… moi ton aimée, cette femme que tu veux murer… c'est moi.
Silence
Ecoute la rumeur… écoute Hémon… on dit partout que la pauvre fille d'Oedipe est condamnée… Hémon? Tu le sais… n'est-ce pas?… Et tu te tais…
»
Elisabeth Chabuel - «Antigone(s)»

En 2004 Sophocle aurait 2500 ans et la Tragédie est toujours d'actualité. Élisabeth Chabuel apporte avec Antigone(s) une nouvelle écriture du mythe. Elle a su reprendre l'essence des tragédies, leur apporter une dimension contemporaine, sans s'enfermer dans les clichés sans issue. Elle a écrit un texte triste à l'image de notre univers, qui met face à face deux amants, Homme et Femme, Hemon(s) et Antigone(s) comme un dernier exorcisme à la disparition de l'humanité. Antigone(s) m'est apparue comme une oeuvre qui aborde et dépasse les questions de pouvoir et d'égoisme, de sexe et de genre. Elle est une sorte de catalyseur intemporel qui permet de réfléchir sur notre monde actuel en essayant de “Combler les yeux” des morts pour ouvrir ceux des vivants.

Chaque jour aux portes de notre Cité des Étéocles et des Polynices, des frères jumeaux, s'entretuent sous les yeux d'Antigone(s) qui tentent de nous faire prendre conscience de la catastrophe. Et sans rechercher la gloire ni l'immortalité, elles disparaissent pour avoir fait ce qui leur était impossible de ne pas faire.

Et nous, les Hémon(s) nous détournons les mots de leur sens afin que plus rien ne puisse être dit. Afin que toute parole soit enfermée dans des -ismes, des -istes… Nous séparons les humains entre bons citoyens et parasites, construisons un état de guerre civile virtuel, échafaudons murs et barbelés pour notre sécurité. Comme si la terre promise pouvait être limitée, le paradis ressembler à un camp de concentration que nous fortifions de notre consentement tacite. Avec l'illusion de pouvoir faire un jour partie des maîtres ou de leur cour.

Janvier 2004

Antigone(s) a été créée le 20 janvier 2004 par la Compagnie des Mangeurs d'Étoiles, au Théâtre de Poche Grenoble.

Épilogues...

Incendie du Reichstag

Incendie allumé par un jeune exalté, Van der Lubbe, très probablement à l'instigation des nazis et avec leur aide, et qui détruisit le Reichstag le 25 fév. 1933. Hitler accusa les communistes,ce qui lui permit de les mettre hors la loi et d'effectuer des milliers d'arrestations, après avoir établi dès le 28 fév. un régime d'exception. (Le Petit Robert des Noms Propres.)

À tous, petits et grands, riches et pauvres,hommes libres et esclaves ensemble, elle donne une marque sur leur main droite ou sur leur front,pour que nul ne puisse acheter ou vendre, sauf ceux qui ont la marque, le nom de la bête ou le chiffre de son nom. (Apocalypse 13,16-17 - Trad. Chouraqui)

11 septembre 2001

World Trade Center
l'incendie du Reichstag
baptise le pharaon
Nouvelle Babylone Occidentale
renaissance du culte impérial
yeux pour œuil
mâchoires pour dent
mafia über alles
666 Trade Mark
au fer rouge
sur ton autre joue
efface la démocratie.

Continuons, tous complices,
à la fin la terre sera informe et vide
ultime désoeuvre humaine
et c'est <YHWH/Dieu/Allah>
qui dira
“Plus jamais ça !”

Trou noir
Ténèbre éternelle
(Il n'y aura pas de jugement dernier)

Etiemble écrivait dans la revue “Tropiques” en Mai 1944 : “Lorsque Benito Mussolini […] rassembla les intellectuels du régime et leur commanda, comme on fait un veston neuf, une philosophie qui pût lui permettre de s'asservir le peuple italien […] (il) n'exigea point […] une pensée fasciste. Une idéologie suffisait à ses besoins, c'est à dire un tissu d'idées empruntées, assez vagues pour n'engager personne, assez contradictoires pour satisfaire tous et chacun, assez ambiguës, néanmoins pour justifier la tyrannie” et plus loin “ de tout temps, idéologie et pensée ont été en conflit : à la pensée, laquelle se veut création ainsi que recréation, l'idéologie oppose l'imitation et la terreur”.

Éloge du bon sens

Je ne veux plus gueuler “comment va le monde ?” et qu'on me réponde “il va comme il va!” Bernard Lavilliers

«Pour nous sauver, se rassembler. Comme les doigts d'une même main. Comme les canards d'une même volée. Technologie du vol collectif : le premier canard se lance et ouvre la voie au second, qui indique le chemin au troisième, et l'énergie du troisième fait s'envoler le quatrième, qui entraîne le cinquième, et l'élan du cinquième provoque l'envol du sixième, qui donne la force au septième. Lorsque le canard éclaireur se fatigue, il rejoint la queue de l'essaim et laisse sa place à un autre, qui monte au sommet de ce V inversé que les canards dessinent dans l'air. Tous prendront à tour de rôle la tête et la queue du groupe. D'après mon ami Juan Diaz Bordenave qui n'est pas «palmipédologue» mais qui s'y connaît, aucun canard ne se prend pour un supercanard s'il vole devant, ni pour un sous-canard s'il est en queue. Les canards, eux, n'ont pas perdu leur bon sens» (Eduardo Galeano - Éloge du bon sens -Le Monde Diplomatique Août 2004 p28.

«Motivations»

Les stéréotypes, en particulier celui lié à l'infériorité supposée des femmes en mathématiques, ont la capacité de créer de toute pièce la réalité qu'ils ne prétendent que décrire. (S.B.,. Le Journal du CNRS juillet-août 2004.)

Je suis informaticien et ce que j'apprécie dans l'informatique c'est son inutilité. Inutilité au sens utilitariste de notre civilisation financière moderne. La débâcle des rêves de la «bulle internet» est là pour le démontrer. L'informatique est un patrimoine culturel qui peut aider les gens à communiquer entre eux, à s'exprimer, à s'organiser, à réfléchir, à calculer… toute récupération commerciale n'est que le résultat des tentatives de marchandisation du domaine culturel.

Parmi les mots les plus chargés de stéréotypes et de clichés du moment sécurité et insécurité doivent être en tête du palmarès. Rien que pour les questions informatiques, les «bruits de couloir» vont de l'inconscience à la paranoïa. S'enfermer dans des murs virtuels peut provoquer plus d'insécurité que celle qu'ils étaient censés éloigner. De même limiter l'informatique à l'utilisation d'outils provenant d'une seule source, revient à philosopher dans un système totalitaire avec les seules œuvres du dictateur ou à vivre dans un monde de clones ou le premier virus de la grippe aviaire détruit toute la population. La liberté, et donc la sécurité et la fiabilité, ne peut venir que de la diversité et de la maîtrise des outils par les utilisateurs.. Il faut pouvoir choisir, utiliser, adapter, transformer, transmettre.

C'est une conception de l'informatique à contre-courant du message commercial où domine l'illusion de facilité, de la simplification par l'uniformisation. Ce message qui masque une “course aux armements” dictée par des intérêts qui ont fait le choix d'exclure du système d'information ceux qui ne pourront pas suivre pour préserver des profits à court terme.

Les logiciels libres entretiennent la biodiversité culturelle dans l'informatique. Les utiliser c'est passer du stade de consommateur passif à celui d'utilisateur motivé, laisser la place à la créativité et ouvrir la porte du développement réfléchi.

La véritable éducation, celle qui émane du bon sens et qui mène au bon sens, nous enseigne à lutter pour récupérer ce qu'on nous a usurpé. L'évêque catalan Pedro Casaldaliga a une longue expérience des années passées dans la forêt brésilienne. Et il dit que s'il est vrai qu'il vaut mieux enseigner à pêcher qu'offfrir un poisson, en revanche, rien ne sert d'enseigner la pêche si les rivières ont été empoisonnées ou vendues. (Eduardo Galeano - Le Monde Diplomatique - Août 2004.)

Ce qui m'intéresse dans le métier que je fais c'est de faire avancer des projets avec et pour des êtres humains. Je pense que l'outil le plus simple et le plus concis est le mieux maîtrisable et sera celui qui apportera plus de fiabilité et de sécurité de fonctionnement. Le plus important est d'être à l'écoute des utilisateurs et d'arriver à anticiper leurs besoins qui ne découlent pas forcément d'un raisonnement «rationnel» et «utilitariste»

Le vrai défi des nouvelles technologies est de respecter la diversité et la subjectivité des utilisateurs et de pouvoir les faire dialoguer entre eux… Renoncer aux apparences pour s'occuper du fond des choses.

Ignorer l'immense trop-plein psychique émanant du réservoir cérébral de l'homme, se concentrer sur la communication et la fabrication comme étant les fonctions humaines centrales, c'est passer à coté d'une clé fondamentale pour tout le développement de l'homme : à savoir, le fait que ce développement a toujours eu un aspect subjectif, non adaptatif, parfois irrationnel, qui souvent menaça la survie humaine (Lewis Mumford - Le mythe de la machine - Fayard 1973)


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